LA CRAVATE

Élisabeth Fétizon nous parle aujourd’hui de l’origine du nom d’un objet très présent dans la vie de nos téléspectateurs masculins, mais voyez plutôt.

Quel lien existe-t-il entre un soldat de la cavalerie croate, le roi Louis XIV, Honoré de Balzac et Marlène Dietrich ? Ce qui rassemble ses personnages très différents tient dans cette lettre : la cravate, en allemand « die krawatte ». Regardez ces fiers soldats de la cavalerie croate ! N’ont-ils pas un certain panache avec cette étoffe de couleur autour du cou ? Si c’est pour leur valeur militaire que le roi Louis XIII recrute ces cavaliers croates, comme mercenaires de l’armée française, c’est pour leur foulard que la cour de Louis XIV va les remarquer. À l’heure où le jabot règne en France, cette étoffe nouée sur le devant avec les deux extrémités qui pendent est du jamais vu. Ah, ces croates ! Ces « hrvat » ! Quelle élégance ! Quelle originalité ! Mais quelle langue difficile à prononcer ! Et quelle belle occasion de franciser un mot étranger ! « Hrvat » va donc se transformer en « krvat », qui va lui-même donner le mot « cravate ». Apparaît alors le mot « Royal-Cravates » donné par Louis XIV au régiment de cavalerie croate de l’armée française.

Tandis que le Royal-Cravates se bat pour la France, la cravate, elle, part à la conquête de la cour de Versailles et des parisiens. Chacun rivalise d’audace et d’élégance, on ajoute des dentelles à la large bande de lin de coton, on agrémente le nœud de ruban de soie multicolore, et à cette course à l’élégance, c’est bien sûr le Roi-Soleil qui gagne. Tout le monde n’a pas le privilège de pouvoir engager un cravatier pour choisir chaque matin cet accessoire et l’ajuster. La cravate poursuit sa marche triomphale, elle survit à la révolution française et conquiert l’Europe et le monde occidental aux cous des riches, des dandys et des artistes en changeant selon les modes de nom, de forme et de couleur. « Tant vaut l’homme, tant vaut la cravate ! » écrit alors Honoré de Balzac.

L’ère industrielle amène une révolution dans le petit monde de la cravate avec un nouveau modèle : la régate. Adieu, les nœuds compliqués, la cravate devient plus fonctionnelle, plus longue et plus étroite. C’est le premier acte de l’histoire de la cravate moderne. Le deuxième acte se joue à New York, au début du XXe siècle, quand l’inventeur Jesse Langsdorf a l’idée de tailler l’accessoire en diagonale et de le confectionner en trois parties. Troisième acte, la conquête du cou des femmes modernes en commençant par celui de l’extravagante Marlene Dietrich.

Une anecdote pour finir : savez-vous où a été confectionnée la plus grande cravate du monde ?  Et bien en Croatie bien sûr ! Le 18 octobre 2003 la très sérieuse Academia Cravatica a fait nouer autour des arènes romaines de Pula une cravate rouge de 808 mètres de long et de 25 mètres de large. Un argument de 450 kilos pour rappeler aux croates que si le mot cravate a fait le tour de l’Europe, la patrie de la cravate, elle, c’est bien la Croatie.